Welcome on board
Pendant quatre ans, j’ai été personnel navigant d’hôtellerie pour des croisières de luxe. Uniforme, hiérarchie, sourires figés : la chorégraphie se répétait à l’identique, mer après mer. Derrière le décor, j’observais les gestes codifiés, la mécanique du service, l’illusion d’un monde parfait flottant sur les eaux du réel.
Des années plus tard, ces archives sont devenues autre chose. Le temps a déposé sur les images une distance critique. Ce qu’elles affleurent n’est pas seulement une expérience personnelle, mais le symptôme d’une société en représentation permanente. L’Antarctique, en apparence l’ultime refuge du sauvage, y incarne cette ambiguïté : une nature mise en scène, un mythe vendu clé en main. Les croisières s’y rebaptisent en “expéditions”, les passagers en “explorateurs”. Le réel devient décor, la découverte devient produit.
Le spectacle du sublime s’y rejoue chaque saison. Derrière l’esthétique de la découverte, tout est calibré, orchestré, rentable. La glace fond, les routes s’ouvrent, les flux augmentent. Sous le vernis de l’aventure se lit l’épuisement du monde, absorbé par sa propre fiction.



















